Lettre à mes amis progressistes

08/09/2017

Alors que le soir des élections 2012, nous avions d'abord entamé des négociations avec le PS, l'annonce d'un accord de majorité MR-CDH-ECOLO plaçant Françoise Schepmans bourgmestre déclenche des réactions très vives à gauche, parmi les militants socialistes bien sûr, mais plus largement. Il nous faut expliquer notre choix. C'est dans ce contexte que quelques jours après les élections, je rédige cette lettre à mes amis progressistes.

Un olivier rénové. Oh oui, je l'ai souhaitée cette alliance-là entre partenaires de gauche, pour relever les défisauxquels sont confrontés les Molenbeekois. Mais je souhaitais aussi que ces partenaires après 20 ans de présence au collège, acceptent de remettre en question une certaine vision de la solidarité basée sur la dépendance mais surtout de se remettre en question par rapport à des pratiques d'apparence de clientélisme, de favoritisme ou de non transparence des décisions prises qui renforçaient les discriminations et les inégalités ainsi que le sentiment d'injustice.

Bien que c'était le premier choix d'Ecolo, cet Olivier-là n'a pas pu être mis sur pied suite au refus catégorique du CDH d'en être mais aussi au peu d'ouverture du PS à permettre réellement cette réforme des pratiques. Refusant l'option de la reconduction d'une alliance PS-MR, Ecolo
a choisi de s'engager pour un projet ambitieux de transition pour Molenbeek avec le CDH et le MR.

Jusqu'au dernier jour, la campagne électorale molenbeekoise a été émaillée de faits révélant des pratiques de « donnant donnant » (promesses d'emploi, de logements,.. contre promesses de vote) mais également de graves incidents allant même jusqu'à compromettre l'intégrité de nos institutions démocratiques par des actes de fraude (certains votes ont été annulés) et de non-respect du code électoral (distribution de tracts à l'entrée des bureaux, affichages, etc.).

Ce changement de majorité après 20 ans d'exercice du pouvoir mayoral par Philippe Moureaux et son remplacement par Françoise Schepmans ont suscité de nombreux commentaires, beaucoup exprimaient de la satisfaction mais nombreuses furent aussi les inquiétudes, notamment dans le chef de certains des amis progressistes. C'est à celles-là que je souhaiterais répondre par ces quelques lignes.

Trahison ?

Oui, Monsieur Moureaux, Monsieur El Khannouss et moi-même nous sommes
rencontrés à plusieurs reprises. Nous avons discuté et nous sommes mis d'accord sur différents changements qui devaient être opérés dans les politiques par rapport à la législature actuelle. Mais jamais nous n'avons discuté des conditions dans lesquelles l'une ou l'autre alliance devait prendre forme après les élections. Nous ne sommes donc pas mis d'accord sur les critères électoraux qui signifieraient la mise en place d'un olivier.

Durant toute la campagne, nous, candidats écologistes, avons martelé qu'il
fallait du changement, qu'il ne pouvait y avoir une reconduction de la même
majorité. Nous avons reconnu notre préférence pour une alliance progressiste, mais sans jamais prononcer d'exclusive.

Ecolo, un parti progressiste et autonome

Sachant qu'un Olivier à deux branches était impossible dès lors que le CDH refusait de l'intégrer et que l'idée d'une reconduction d'une majorité violette (MR et PS) était une garantie d'immobilisme pour Molenbeek, Ecolo a choisi de s'engager avec le CDH et le MR pour les six prochaines années. Ce ne fut pas une décision facile (bien que portée par une très large majorité des militants de la locale Ecolo) mais c'était la seule susceptible de faire bouger notre commune dans le bon sens. Ecolo ne voulait pas être le faire-valoir à l'immobilisme. Ç'aurait été trahir celles et ceux qui nous ont fait confiance le 14 octobre.

Le fait que le PS - alors qu'il a la main - s'allie avec le MR à Saint-Gilles, à Ixelles, à Anderlecht, à Bruxelles-Ville ou à Ganshoren ne semble pas tant émouvoir celles et ceux qui hurlent à la « trahison de la gauche » lorsqu'Ecolo entre en majorité avec ce même MR alors qu'Ecolo n'a pas la main... Ce double standard repose sur une vision erronée de l'identité de gauche ; comme si pour Ecolo tout cela se mesurait en fonction de la proximité avec
le PS... Or, la meilleure garantie pour Ecolo de rester fidèle à ses valeurs de gauche, c'est de réaliser son programme dans le cadre de coalitions qui le lui permettront. Nous faisons des alliances en fonction de la situation locale avec le ou les partis qui feront avancer ce qui est vraiment important pour le plus grand nombre.

L'écologie politique s'inscrit dans la continuité des valeurs de la gauche en faisant la part belle dans son référentiel à la question démocratique et à la question sociale. Ecolo n'est-il pas le seul parti à avoir déposé au Parlement fédéral une proposition de loi visant à rehausser les allocations sociales au-dessus du seuil de pauvreté ?

Ecolo n'a-t-il pas combattu sans relâche la privatisation des services publics ? Ecolo ne s'était-il pas toujours positionné contre les centres fermés et en faveur de la régularisation des sans-papiers ? Rappelons la responsabilité du PS qui a érodé la progressivité de l'impôt et permis l'élaboration de niches fiscales pour les plus riches, qui, ces derniers mois, a choisi de s'abstenir lorsqu'il s'agissait de s'opposer aux lois iniques sur le regroupement familial et la naturalisation et qui a soutenu le principe de la transaction pénale, véritable rupture de l'égalité devant la justice pénale.

L'écologie politique s'inscrit de plein pied dans l'histoire des combats progressistes :  la lutte pour l'élargissement du suffrage universel, la lutte pour la journée de travail des huit heures, la lutte pour les congés-payés, la lutte
pour le droit à l'avortement, l'anticolonialisme d'hier et d'aujourd'hui, les
luttes des paysans sans terre aux quatre coins du monde, la lutte pour l'égalité entre les hommes et les femmes, la lutte pour la reconnaissance de la diversité, la solidarité nord-sud, ou encore la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes sont aussi des combats écologistes.

Les idées de gauche sont multiples et n'appartiennent à personne. Bien qu'ancré solidement dans les valeurs de gauche, Ecolo n'en demeure pas moins un parti autonome, attaché à sa liberté politique, dont la mission n'est pas de servir de caution progressiste auxpartis traditionnels qu'ils soient  , bleu, amarante ou orange mais bien de réaliser son projet politique.

S'engager pour le renouveau à Molenbeek

Certains accusent Ecolo, le MR et le CDH de ne pas avoir respecté la démocratie comme si cette coalition ne constituait pas une majorité confortable au conseil communal. Rappelons que la Liste du Bourgmestre
a attiré 29,18% des voix ce qui signifie que 70,72% des Molenbeekois n'ont pas voté pour le PS, sans compter les chiffres alarmants de l'abstention et du vote blanc qui constituent autant de signaux inquiétant de fatigue démocratique.

La démocratie c'est non seulement l'exercice du pouvoir par une majorité élue et le respect du droit des minorités mais c'est aussi le principe de l'alternance. Après 20, 30, parfois 40 ans de pouvoir ininterrompu, n'est-il pas sain de changer de casting pour permettre un souffle nouveau dans la gestion des affaires de la commune ? Le résultat du scrutin communal dans plusieurs communes de la Région bruxelloise a permis à Ecolo d'entrer dans des majorités alternatives et de briser ainsi des baronnies locales qu'elles soient bleues(MR à Woluwe-Saint-Pierre), amarantes (FDF à Boitsfort ou rouges (PS à Molenbeek). Par ailleurs et par rapport au PS, Ecolo a une conception forte de la démocratie locale qui ne réduit pas celle-ci à l'acte de voter tous les six ans mais qui mise sur la participation citoyenne et le rejet radical de toute forme de clientélisme.

Pour Ecolo, le renouveau politique à Molenbeek doit passer par une réforme profonde dans la manière de gouverner. Nous l'affirmons haut et fort : assurer
la transition de notre commune ne se fera pas sans renforcer la justice et l'égalité des chances. Pour cela, nous mettrons en place une politique volontariste de bonne gouvernance au risque de rompre avec certaines rentes de situation illégitimes voire même frauduleuses. L'appareil public doit être au service de l'ensemble des Molenbeekois et non pas être instrumentalisé au bénéfice de quelques-uns parce qu'être de gauche c'est avant tout favoriser l'expression de ceux qui sont privés de parole, de droits ou de pistons. Or, le clientélisme, le favoritisme ou le népotisme sontdes  facteurs d'injustice et d'inefficacité qui insultent les valeurs de transparence et d'équité au cœur du projet d'une gauche moderne. Les progressistes devraient être les premiers à dénoncer ce « système » parce qu'il rompt avec le principe de l'égalité de traitement au détriment de celles et ceux qui n'ont pas de pistons, de celles et ceux qui ne profitent d'aucune faveur mais qui espèrent légitimement la réalisation de leurs droits sociaux et culturels. L'amélioration des services publics et le renforcement de la légitimité de l'autorité publique sont, d'une part, les meilleures armes pour lutter contre les inégalités et les discriminations et d'autre part, le prélude incontournable pour toute politique de progrès social.

Ecolo regrette sincèrement l'aveuglement du certains membres du PS par rapport à la nécessité d'assurer la transparence dans le fonctionnement des institutions communales, d'objectiver la politique de recrutement du personnel communal, de garantir la transparence dans l'attribution et la bonne gestion des logements gérés par les autorités publiques et d'assurer la bonne gestion, notamment financière, de la Commune et du CPAS.

Pour relever les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés, et pour faire valoir les extraordinaires potentiels de créativité et de dynamisme des Molenbeekois.es, il nous faut sortir de l'hiver de la gouvernance dans laquelle git notre commune depuis beaucoup trop longtemps au détriment des principes de progrès et d'égalité qui font les valeurs de la gauche et celles du projet écologiste.


Molenbeek, miroir du Monde | Au coeur d'une action politique | Sarah Turine
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